Un peu avant de lancer les Défis Futés, j'ai eu l'opportunité de faire du bénévolat pour une association, l'AEVE, dont le but est d'aider les enfants autistes à être scolarisés. Une expérience extrêmement enrichissante, qui m'a donné l'envie de mieux comprendre ce qu'on appelle la "neuroatypie", ainsi que les autres troubles neurodéveloppementaux, et comment les appréhender avec les enfants.
LES TROUBLES AUTISTIQUES, MAL COMPRIS...
Je dois dire que j'étais assez mal informé ! Et je ne dois pas être le seul. L'autisme a longtemps été perçu comme un mal qu'il fallait traiter par la psychanalyse. Françoise Dolto notamment, dont tant d'écoles portent le nom, affirmait que l'autisme n'était pas inné, ce qui mettait dramatiquement en cause les parents... Aujourd'hui, les scientifiques s'accordent à dire que les troubles du spectre de l'autisme sont causés par des anomalies du neurodéveloppement, avec des conséquences parfois très différentes pour les personnes touchées. La compréhension de ces troubles ainsi que leurs traitements ont beaucoup évolué, probablement plus rapidement que leur perception.
... ET LES TROUBLES "DYS" AUSSI
Les troubles d'apprentissage surnommés "dys" (dyslexie, dyspraxie, dysgraphie etc) ont des pathologies parfois communes avec l'autisme, et des symptômes similaires. Dans un cas comme dans l'autre, le sujet reste un peu tabou, et peu de parents m'en parlent alors que beaucoup d'enfants en souffrent à des degrés divers : les troubles dys toucheraient par exemple près d'un enfant sur 10.
COMMENT INTEGRER AU MIEUX CES ENFANTS EN ATELIER?
Dans mes ateliers, j'observe bien-sûr que les enfants ont chacun des aptitudes et difficultés différentes. Une séance-type d'ingénierie avec des LEGO requiert : sens de l'observation, concentration, mémoire visuelle, motricité fine, logique, créativité, tout en travaillant la patience, la frustration (j'en reparlerai !), l'entraide... Il y a donc beaucoup d'obstacles pour certains ! Trouble de l'attention, hyperactivité, problème de motricité, interaction compliquée avec moi et/ou les autres enfants, frustration ou colère excessive, TOCs... Comment réagir ?
1- Bienveillance : ça ne règle pas tout (quoique?), mais un sourire et un encouragement sont généralement plus efficaces qu'un rappel à l'ordre. Dans les cas forts de colère ou de frustration, il faut parfois être ferme mais je ne lève la voix qu'en dernier recours - c'est plutôt signe que le comportement de l'enfant devient dangereux (pour lui, pour les autres, ou pour le matériel). Cette atmosphère de bienveillance doit aussi venir des autres enfants, ce qui est parfois plus compliqué à établir. L'effervescence des participants est positive, mais peut être déstabilisante pour un enfant fragile.
2- Adaptation : si l'enfant butte dans mes ateliers, ce n'est généralement pas de la mauvaise volonté. J'essaye de comprendre ce qui bloque, et tente d'expliquer plus lentement, différemment, de manière plus visuelle, muette, simplifiée... Eventuellement, je simplifie le projet ou propose quelque chose d'un peu différent. J'essaye en tout cas de ne pas construire à la place de l'enfant, pour ne pas lui voler la satisfaction de la construction !
L'adaptation est essentielle pour éviter les situations de frustration et d'échec. D'où la nécessité de la part des parents/enseignants de me prévenir, autant que possible.
3- Collaboration : la difficulté pour moi est toujours d'aiguiller les enfants sans trop aider... et de jauger le niveau de frustration pour éviter l'explosion ! Si l'enfant ne s'en sort pas, j'essaye de construire en miroir pas à pas en face de lui. En dernier recours, je prends le relai pour les étapes difficiles... ou demande à d'autres enfant de participer pour transformer le tout en travail d'équipe ! Là encore, il faut donc une attention particulière qui fonctionne mieux quand elle est anticipée.
UNE FORMULE QUI PLAIT AUX ENFANTS ATTEINTS PAR CES TROUBLES
J'ai le sentiment que les LEGO plaisent beaucoup aux enfants autistes, peut-être parce qu'il y a une grande satisfaction dans la construction et la logique presque mathématique des briquettes qui s'empilent.
Pour les enfants atteints de troubles dys, les LEGO peuvent être perçus (à tort!) comme une grosse source de frustration. Mais dans les faits, cela peut être un bon moyen de travailler sur leur handicap : des parents m'ont signalé que jouer aux LEGO était une activité recommandée par leur ergothérapeute. Et surtout, avec une méthode adaptée et un environnement bienveillant, ils finissent toujours par s'en sortir et en tirer beaucoup de plaisir !
L'important pour moi reste que les enfants s'amusent et s'éveillent. Parfois cela implique d'avoir du temps et des groupes d'une taille adaptée. Et de la patience. Animer ces ateliers, c'est un (vrai) métier !
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